L'erreur

20/05/2014 09:42
  1. L'erreur

Au même titre que le dol ou la violence, l’erreur fait partie des vices du consentement et est citée à l’article 1109 du Code Civil.(1)

L’erreur pourra être également une source d’irresponsabilité pénale.(2)

L’effet de l’erreur dépend principalement de son origine et de sa nature. (3)

On pourra définir l’erreur communément comme une fausse représentation de la réalité.4

Prendre le vrai pour le faux et inversement. (5).

Quelles sont les effets de l’erreur, en droit des obligations ?

Dans un premier temps, nous traiterons la nature de l’erreur qui aura des répercussions sur les obligations des contrats, puis dans un second temps, sur la source de l’erreur.

    1. La nature de l’erreur, élément déterminant dans les vices du consentement.

La jurisprudence et le droit ont établi des conditions strictes afin de reconnaître que l’erreur a vicié le consentement (6) entraînant des sanctions (7).

    1. Les conditions de reconnaissance du vice du consentement :

A la lecture de l’article 1109 et de celui 1110 du Code Civil, il ressort deux types d’erreurs : l’erreur sur la personne et l’erreur sur la substance (8).

Une troisième source d’erreur apparaît également dans la doctrine et la jurisprudence, l’erreur obstacle. (9).

  1. L’erreur sur la substance

L’erreur sur la substance est donc la première erreur citée dans le Code Civil à l’article 1109.

Elle doit être différenciée de l’erreur sur l’objet, l’identité de l’objet.

Cette notion d’erreur substantielle a connu une évolution au fil du temps.

ULPIEN, juriste romain (D, XVII), appelait l’erreur sur la substance, l’erreur sur la matière même de la chose.

Il a une vision plutôt objective de la notion de substance.( 10)

Par la suite, POTHIER développe une théorie plus subjective de l’erreur substantielle.

Il explique qu’il y a erreur, si et seulement si, la matière de l’objet est un élément déterminant dans la conclusion du contrat.

La jurisprudence à partir du XIXème siècle développe une théorie totalement subjective de l’erreur sur la substance, la rattachant à la volonté des parties11 .

Ils rejoignent en fait la théorie de POTHIER qui disait :

« La qualité substantielle est la chose que les parties ont eu principalement envie. »

La jurisprudence actuelle reconnaît l’erreur sur la substance lorsque l’erreur porte sur un élément déterminant dans la conclusion du contrat.

C’est le cas, par exemple, lorsque l’authenticité d’une interview est un élément déterminant dans la conclusion d’un contrat d’édition pour lequel la réalité de l’interview que l’auteur prétend avoir faite est l’élément déterminant de la conclusion12.

On voit là que la qualité substantielle se détermine in concreto(13).

Cela peut également être mise en œuvre dans le domaine de l’art, par exemple l’arrêt POUSSIN dans lequel l’élément substantiel de la vente était l’authenticité de l’œuvre.14

  1. Erreur sur la personne

De la même façon, l’erreur sur la personne du co-contractant peut être un sujet de vice du consentement.15

Toutefois, dans ce cas, il faut que la personne du cocontractant soit déterminante dans le consentement (16).

Tel est le cas, par exemple, lorsque les parties signent une convention d’arbitrage et que l’une elles lors de la signature, ignore que des circonstances étaient de nature à influencer l’arbitre17.

En fait, dans tous les cas, l’erreur sera considérée comme un vice du consentement, si elle porte sur un élément essentiel du contrat, que ce soit sur la personne ou sur la chose.

Une exception persiste toujours, c’est si le contrat est soumis à l’aléa.18

Comme dans le cas de la vente aux enchères de tableaux.19

Une erreur n’est pas comprise dans les articles 1109 et 1110 du Code Civil, c’est l’erreur obstacle 20; celle-ci ne concerne pas les vices du consentement, puisque le contrat sera nul pour absence de cause.21

    1. La sanction de l’erreur vice du consentement :

L’erreur lorsqu’elle est reconnue comme vice du consentement peut entraîner la nullité du contrat.22

Cette nullité doit être demandée par l’errant. Elle peut être prononcée par le juge saisi du litige, usant de son pouvoir de requalification en application de l'article 12 du Code de procédure civile.

Sauf cause d’ordre public, la nullité sera relative.

L'action en nullité nait de l'erreur se prescrit en 5 ans après la conclusion de l'acte.

La nullité peut être invoquée dans les cinq ans qui suivent la conclusion de l’acte.

La nullité relative ne concernera pas nécessairement l’intégralité de l’acte, elle pourra toucher seulement certaines clauses obscures et ambiguës 23.

L’origine de l’erreur pour évoquer la nullité n’est pas importante.

Elle peut être de droit ou de fait et elle pourra être évoquée pour des contrats.24

Outre la nullité, le cocontractant peut être obligé de réparer le préjudice dû à la conclusion du contrat.

La réparation nécessitera la détermination d’une faute de ce cocontractant, du préjudice et du lien de causalité éléments constitutifs de la responsabilité civile.

La réparation du préjudice n’est pas toujours conditionnée à la faute. Elle peut être issue d’une indemnisation au titre de substitution d’un bien qui a été cédé selon la théorie de l’apparence. "error communis fac."(25).

Par contre les transactions ne pourront pas être attaquées pour cause de droit, ni pour lésion.26


 


 

    1. LES SOURCES D’ERREUR :

Il existe deux sources d’erreur, c’est-à-dire deux types d’erreur qui sont :

  • l’erreur de fait,

  • et l’erreur de droit.

    1. L’erreur de fait :

L’erreur de fait est l’erreur qui empêche l’errant d’avoir une juste représentation de la réalité.

L’erreur de fait, dans les cas où les conditions sont réunies, s’opposait à la culpabilité pour maintenir des situations de fait sans fondement juridique initial

Pour cela l’erreur doit être déterminante et inévitable.

L’erreur intentionnelle exclura le caractère exonératoire de l’erreur.

Pour déterminer le caractère inévitable de l’erreur, on doit démontrer qu’une personne avisée dans la situation identique aurait fait la même chose.

Il faut que les diligences normales aient été effectuées.27

L’erreur de fait est souvent accompagnée de la théorie de l’apparence28.

La théorie de l’apparence a pour conséquence de créer des droits à un tiers, alors que celui qui lui a transmis le droit n’en avait pas.

Par conséquent, l’acte créé est nul, mais reste opposable aux tiers au nom de la sécurité juridique.

Le détenteur légitime perd son droit, mais peut récupérer le prix auprès du cédant.

Pour invoquer la théorie de l’apparence, il faut démontrer une certaine diligence.

Ainsi, il faut prouver que l’erreur est commune et que la croyance du cessionnaire est légitime 29

Pour définir l’erreur commune, il faut référer à l'arrêt de la Chambre Civile de la Cour de Cassation du 3 juillet 1877 qui avait jugé que :

« L’erreur commune est invinciblement produite par un état des choses et contre laquelle aucune prudence humaine ne pourrait se prémunir. »

Elle est donc, comme dirait LARROUMET :

« Une erreur qu’un homme normalement raisonnable n’aurait pas pu surmonter compte tenu d’investigations et de vérifications normales auxquelles il convenait de procéder. »

En outre soulignant un point qui n’est pas négligeable, l’erreur commune ne signifie pas nécessairement que l’erreur est commise communément par plusieurs personnes.

L’erreur peut être totalement individuelle.

On évoquera également une erreur commune même si l’errant n’a pas fait les recherches nécessaires, s’il a fait appel à un mandataire professionnel, tel qu’un notaire, par exemple.21

L’erreur commune provient souvent du fait que l’errant est soumis à une croyance légitime que la transaction ne peut être erronée.

Il y a croyance légitime lorsque le contractant, compte tenu des circonstances, n’a pas à vérifier la véracité des dires de son cocontractant.

Ainsi, la jurisprudence a pu énumérer un certain nombre de cas dans lesquels on pouvait estimer qu’il y avait une croyance légitime, que celui qui cédait le bien en avait le pouvoir.

Par exemple, si le bien à une faible valeur, si c’est une transaction d’usage, s’il y a la présence d’une autorité apparente, tel qu’un notaire.

Dans tous les autres cas, la croyance investie nécessite qu’il y ait eu une recherche.

Si l’errant n’a pas fait la recherche préalable, on pourrait dire qu’il y a un doute légitime et l’erreur serait inexcusable.30

    1. L’erreur de droit :

L’erreur de droit, autre source d’erreur.

  1. La détermination de l’erreur de droit.

Longtemps la jurisprudence considéra que l’erreur de droit ne constituait ni un fait justificatif, ni une excuse exonératrice puisque « Nul n’est censé ignoré la loi ».

Le législateur et la jurisprudence de nos jours sont bien moins stricts sur le sujet.

En effet aujourd’hui l’erreur de droit peut être une cause de non-imputabilité31, mais il faut qu’elle soit invincible.32

L’erreur de droit sera également évoquée pour prétendre à la nullité d’un contrat, mais seulement si elle ne sert pas à éluder la loi.

Ainsi l’errant ne peut pas prétendre à une erreur de droit en alléguant qu’il ignorait la force exécutoire du contrat.

A contrario, il pourra prétendre à l’erreur de droit parce qu’il aura versé une pension alimentaire à une personne, alors qu’il n’en était pas débiteur.

Cette erreur de droit devra évidemment tomber sur un élément substantiel du contrat pour prétendre à prendre plein effet.33

  1. La non-imputabilité de l’erreur de droit et ses limites :

Pour qu’une erreur de droit puisse entraîner une non-imputabilité, il faut démontrer le caractère insurmontable et légitime de celle-ci.

Le caractère insurmontable prend différentes apparences, mais les cas sont plutôt restreints.

Ainsi l’erreur pourrait être insurmontable si le texte sur lequel l’erreur porte n’a pas été publié ou a été publié de façon erronée.

Ce caractère insurmontable est le seul caractère déterminant pour la non-imputabilité.

L’erreur insurmontable s’oppose à l’erreur de droit spontanée qui n’est pas exonératoire.

Ici, on retourne à l’adage "Nul n'est censé ignorer la loi.34

L’erreur spontanée est évitable si on consulte une personne compétente avant d’agir.35

Si les personnes consultées donnent une réponse erronée, dans ce cas-là l’errant commet une erreur qu’on appellera provoquée et on considère que l’erreur est insurmontable 26

Par contre, en dehors de son caractère exonératoire ou non, l’erreur de droit pourra être excusable ou non.

Il faut dans ce cas démontrer que l’acte fait était légitime.36

1 Article 1109 du code civil.( Document 1)

2 Article 122-3 du code pénal (Document 2)

3 S. PORCHY-SIMON, Les Obligations, Hyper cours Dalloz, 6ème édition, 2010. (Document 15).

4 B. Petit et S ROUXEL, JCL. dr. Civil. Article 1110 Code Civil. (Document 8).

5 S. PORCHY-SIMON, Les obligations, Hypercours Dalloz, 6ème édition, 2010. (Document 15)

6 H. ROLAND, B. STARCK, L. BOYER, Obligations , 2 Contrat, Litec, 5ème édition 1996. (Document 18)

7 B. PETIT et S. ROUXEL, JCl. dr. civ., art 1110 c.civ. (Document 8)

8 Article 1109 et 1110 du code civil.( Document 1).

9 S. PORCHY-SIMON, Les Obligations, Hypercours Dalloz, 6ème édition, 2010. (Document 15)

10 H. ROLAND, B. STARCK, L. BOYER, Obligations, 2 Contrat, Litec 5éme Edition. (Document 18).

11 S. PORCHY-SIMON, Les Obligations, Hypercours Dalloz, 6ème Edition, 2010. (Document 15).

12 Première Chambre Civile de la Cour de Cassation, 11 Octobre 1989, numéro de pourvoi : 84-12940 (document 5)

13S. PORCHY-SIMON, Les Obligations, Hypercours Dalloz, 6ème Edition, 2010. (Document 15).

14 Premier Chambre Civile la Cour de Cassation, 17 Septembre 2003, numéro de pourvoi :01-15306 (document 21)

15 B. PETIT et S. ROUXEL, JCl. dr. civ., art 1110 c.civ. (Document 8)

16Yves Lequette / François Terré / Philippe Simler ; Précis ;6e édition (Document 17)

17 Premier Chambre Civile de la Cour de Cassation, 24 Mars 1987, numéro de pourvoi : 85-15736 (document 20)

18 S. PORCHY-SIMON, Les Obligations, Hypercours (Document 15)

19 Premier Chambre Civile de la Cour de Cassation, 24 Mars 1987, numéro de pourvoi : 85-15736 (document 20)

20 Article 1109 et 1110 du code civil (document 1)

21S. PORCHY-SIMON, Les obligations, Hypercours Dalloz, 6éme édition, 2010 (document 15)

22H. ROLAND, B. STARCK, L. BOYER, Obligations, 2 Contrat, Litec 5éme Edition. (Document 18).

23 B. PETIT et S. ROUXEL, JCl. dr. civ., art 1110 c.civ. (Document 8)

24 S. PORCHY-SIMON, Les obligations, Hypercours Dalloz, 6éme édition, 2010 (document 15)

25 ROLAND et BOYER, Adages du droit français, 3e éd., 1992, Litec (document 18)

26 Article 2052 du code civil. (Document 3).

27 X. PIN, Droit Pénal Général, DALLOZ, 5ème édition 2012. (Document 13)

28 F. TERRE, Introduction Général, DALLOZ, 9ème édition, 2012 (document 12)

29 M. BOUDOT, Répertoire Civil Dalloz, V° « Apparence »

30 M. BOUDOT, Répertoire Civil Dalloz, V° « Apparence »

31 X. PIN, Droit pénal général, Dalloz, 5ème édition 2012

32 F. TERRE, introduction générale eu droit, Dalloz, 9ème édition, 2012.


 

33 M. FABRE-MAGNAN, Droit des Obligations, tome 1, Contrat et engagement unilatéral, PUF, 3ème édition 2012.

34 X. PIN, Droit Pénal Général, Dalloz, 5ème édition 2012.

35 Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, 15 Octobre 2002.

36 S. PORCHY-SIMMON, Les Obligations, Hypercours Dalloz, 6ème édition, 2010.